Au commencement était la ligne. De son inscription dans l’espace, elle donna peu à peu à l’Homme une assise, un ancrage dans la réalité complexe et mouvante du monde au sein duquel il évoluait. Pour Laurent Bousquet, elle fut très tôt une complice car, dès son plus jeune âge, il pratiqua le dessin avec une perceptible volupté. Les années passant, étant devenu architecte, il dut sacrifier son désir à l’exercice d’une profession qui lui laissait peu de loisirs. C’est en 2006 qu’une rencontre inattendue provoqua chez lui un retour vers sa toute première passion, trop longtemps contrariée sans doute par les lourdes contraintes horaires de sa profession. L’affaire pourrait paraître anecdotique si l’occasion n’avait agi comme un véritable déclic. Un Anglais que Laurent Bousquet croisa un beau jour sur sa route lui inspira une règle simple : S’astreindre à produire un dessin par jour. Le conseil de cet interlocuteur inopiné porta durablement ses fruits. Laurent décida en effet d’en faire sa propre règle de conduite. Les années qui suivirent montrèrent qu’il était capable de soutenir cet engagement sans songer à baisser la garde. L’un après l’autre, des milliers de dessins virent successivement le jour, avec une infaillible régularité. Jamais l’homme ne renia le principe dont il avait fait son credo.
L’ascèse à laquelle l’artiste avait décidé de se soumettre fut pour lui un facteur d’équilibre et de bien-être retrouvé. Un antistress providentiel pourrait-on dire. Nul doute que la rigueur acquise dans l’exercice de son métier aida Laurent Bousquet à tenir sa promesse. Pratiquant le dessin d’après modèle vivant et tout ce qui l’entoure ou s’agite sous le vent, Laurent Bousquet ne se déplace jamais sans un carnet de croquis. Mais il trouve tout aussi bien son miel face à son jardin. Si le corps humain et ses formes l’inspirent, les arbres restent pour lui un thème privilégié. Il y voit comme un écho aux destinées humaines. Campé entre terre et ciel, l’arbre apparaît pour lui comme une figure emblématique, un miroir des saisons et des âges de la vie. Il observe chacun d’eux comme un reflet de ses émotions, de ses interrogations et de sa propre sensualité, tissant subtilement des liens entre les éléments dont il décrypte ou décompose les rythmes et les mouvements, comme le ferait un musicien. Une écorce aussi bien le renvoie à la peau qui se métamorphose au fil des ans, affichant les épreuves et les marques du temps. Rien que de très naturel dans tout cela. Pour l’artiste, un palmier devient un support de méditation, un tronc ou un rocher acquiert une valeur sentimentale.
Sans jamais être froids, les dessins de Laurent Bousquet apparaissent d’une précision photographique qui n’empêche pas le lyrisme, car il y glisse cette part d’âme et de poésie qui fait toute la différence. Ses portraits et ses nus sont d’une remarquable facture, comme s’ils livraient à l’œil une part de leur secret intime. Il est rare qu’un simple dessin atteigne une telle force expressive. Nous sommes d’incroyables réceptacles, se plaît-il à dire face à ses innombrables dessins parfois traités sous forme de séquences, comme pour mieux souligner l’écho que chaque sujet suscite en lui.